La submersion marine est l’une des principales menaces qui pèsent sur les côtes basses. Or, cette menace est amenée à se renforcer en raison du réchauffement climatique qui entraînera une élévation du niveau marin et vraisemblablement un renforcement de l’intensité des tempêtes (IPCC, 2007 ; ONERC, 2010). A cet égard, les cordons sableux des littoraux à lagunes, appelés lidos, sont particulièrement concernés en raison de leur faible altitude, de leur étroitesse et de leur instabilité (Paskoff, 2001).
La problématique du risque de submersion est donc amenée à devenir centrale pour la gestion des lidos dans les décennies à venir. L’importance des enjeux, à la fois économiques (urbanisation dense, développement touristique), écologiques (forte biodiversité marine des eaux côtières et des lagunes), patrimoniaux et paysagers, nécessite de mettre en place une approche globale et intégrée du risque de submersion marine qui passe à la fois par une réflexion sur la prévention mais aussi sur l’efficacité des dispositifs et pratiques de gestion de crise.
Or, les inondations consécutives à la tempête Xynthia de février 2010 ont mis en évidence les limites de la politique de gestion des risques de submersion marine en France. Elles ont mis à jour des insuffisances dans l’information transmise aux populations, dans les systèmes d’alerte (pas de vigilance submersion-marine), dans la gestion du réseau de digues ainsi qu’une relative inadaptation des plans de prévention des risques littoraux. Depuis cet évènement, plusieurs mesures ont été engagées. Ainsi, en février 2011, le MEDDE a annoncé le lancement d’un « Plan submersions rapides » qui doit dresser la liste des communes à couvrir par un Plan de prévention des risques naturels littoraux d’ici 2014 et inciter les collectivités territoriales à mettre en œuvre les mesures de prévention, de prévision, de protection et de sauvegarde des populations dans les zones exposées aux phénomènes brutaux de submersions marines (réalisation systématique de Plans communaux de sauvegarde, renforcement des digues de protection, organisation d’exercices de simulation) Afin de permettre une réévaluation du risque submersion marine dans les documents réglementaires, le MEDDE a également diffusé en juillet 2011 auprès des services préfectoraux et des DREAL une circulaire durcissant les critères de détermination de l’aléa de référence « submersion marine » dans les PPRN actuels et futurs (prise en compte des effets de surcote liés à la houle et de l’élévation prévisible du niveau marin).
Malgré ces mesures, le risque submersion marine demeure encore aujourd’hui mal évalué sur les rivages français (Anselme et al, 2011 ; Cariolet, 2011). D’une part, d’après les données de l’IFEN (2011), moins d’un tiers des 974 communes littorales de la métropole sont couvertes par un PPRN approuvé, dont seulement 18% par un plan spécifique aux risques littoraux (érosion et/ou submersion marine) et la révision des PPRN existants définie par la circulaire de juillet 2011 (cf. supra) a à peine été entamée. D’autre part, les véritables études du risque, c’est-à-dire qui combinent à la fois des analyses précises des aléas littoraux et des enjeux, restent rares (dans les PPRN, la vulnérabilité des enjeux est estimée de manière qualitative). En France, ce type d’approche a été développée pour les départements de la Manche, puis du Calvados (Levoy, 1997). Plus récemment, un programme a essayé d’évaluer à une échelle régionale les dommages potentiels liés à une aggravation des aléas érosion et submersion sur le littoral du Languedoc-Roussillon dans le cadre du changement climatique (Yates-Michelin et al, 2011). Mais ces approches se sont tenues à une évaluation quantitative et assez généraliste de la vulnérabilité des enjeux. La perception des habitants n’est prise en compte que dans le projet ANR MISEEVA (2009-2012), à partir de sites-test choisis sur le littoral du département de l’Hérault (Vinchon et al, 2011 ; Meur-Férec et al, 2011). Elle l’a aussi été dans le cadre d’une enquête réalisée à Leucate – La Franqui (Anselme et al, 2008). Ce paramètre peut s’avérer en effet essentiel pour orienter les mesures de gestion vers une meilleure information et sensibilisation des populations. Ainsi, la tempête Xynthia a clairement mis en évidence toute l’importance d’une culture locale des risques liés à la mer et sa très grande insuffisance sur le littoral français. En l’occurrence, toute une série de décisions prises avant et pendant la crise ont considérablement aggravé la situation révélant une absence de culture du risque (Cartier, 2004 ; Jousseaume et Mercier, 2008) qui s’est traduite par des choix, tant collectifs qu’individuels, dans lesquels les questions environnementales et celles liées aux risques ont pu être reléguées en arrière-plan, aggravant alors les conséquences de la catastrophe (Anziani, 2010). Cette culture du risque déficiente est d’ailleurs pointée dans le dernier rapport du Haut Comité Français pour la Défense Civile (HCDFC, 2011) qui souligne qu’elle se traduit par la lenteur de la mise en place des Plans communaux de Sauvegarde (PCS), par un déficit de l’information aux populations et par le faible nombre d’exercices de crise réalisés au niveau local.
Partant de ces constats, l’ambition du programme CRISSIS est de mettre au point, à travers une démarche pluridisciplinaire associant géographes, modélisateurs, géomaticiens et spécialistes de la gestion des risques et des crises, une approche globale et opérationnelle du risque submersion. Les travaux de recherche seront menés sur la commune de Leucate (Port-Leucate et Leucate-plage) en Languedoc, qui allie enjeux importants et forte exposition à l’aléa submersion marine. En effet, cette commune de l’Aude a connu un fort accroissement démographique, renforcé par des afflux touristiques saisonniers. Tous ces enjeux sont concentrés sur un site particulièrement sensible à l’aléa submersion marine, à la fois en raison d’un rivage pleinement exposé aux tempêtes méditerranéennes les plus fréquentes (provenance du SE) et de la faible altitude moyenne du cordon littoral, mais aussi de la situation géographique particulière de la commune. Complètement cernée par les eaux, entre la Méditerranée à l’est et l’étang de Salses-Leucate à l’ouest, le risque d’inondation est considérablement renforcé en cas de tempête marine se conjuguant avec de fortes précipitations. Par ailleurs la seule départementale qui permet de quitter Port-Leucate par le sud ou le nord est inondable, ce qui augmente les difficultés en cas d’évacuation. La municipalité très au fait des risques naturels de par la situation géographique particulière dans laquelle se situe Leucate et soucieuse d’une prévention efficace avec une information et une sensibilisation des citoyens face à ces risques, s’est dotée d’un Plan Communal de Sauvegarde en décembre 2013. Avec l’ambition de toujours améliorer les procédures de prévention, la municipalité a souhaité se porter partenaire du programme CRISSIS.